Les malteurs français dans une mauvaise passe
Confrontés à un marché de la bière en recul de l’ordre de 35 %, les trois principaux malteurs français, que nous avons interrogés, sont contraints de réduire leur activité, voire de fermer temporairement certaines unités.
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Depuis la mi-mars en France, avec la fermeture des cafés et restaurants, le report des grands évènements sportifs et culturels, l’arrêt du tourisme, le secteur de la brasserie s’est vu privé de 35 % de ses débouchés du jour au lendemain, les ventes dans les commerces alimentaires (65 % des débouchés) semblant en revanche préservées.
« Le secteur de la malterie et de la brasserie est complètement en déroute. Et cela va influer d’ailleurs sur le marché de l’orge de brasserie », commentait mi-avril Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales.
25 % des brasseries françaises à l’arrêt
Selon une consultation du syndicat Brasseurs de France auprès de ses adhérents fin avril, 25 % des brasseries sont à l’arrêt total et 40 % des entreprises accusent une baisse d’au moins 60 % de leur production. Par ailleurs, 10 millions de litres de bière stockée vont devoir être détruits (sur une consommation française annuelle autour de 20 millions d’hectolitres).
Les microbrasseries sont particulièrement impactées, et pour le Syndicat national des brasseurs indépendants (SNBI), qui a lancé ce mercredi une campagne auprès du grand public pour soutenir les brasseries artisanales, « la crise sanitaire actuelle a d’ores et déjà engendré une perte de chiffre d’affaires allant de 80 % à 100 %, et 1 entreprise sur 3 est en très grande difficulté ».
Une crise qui arrive « au plus fort de la consommation »
En conséquence, l’ensemble du secteur de la malterie française voit son activité se contracter. « Depuis fin mars, nous faisons face à des baisses significatives de volumes sur la plupart de nos géographies, particulièrement en France, Espagne et États-Unis, expose-t-on chez Malteurop (Vivescia). Nous sommes contraints d’adapter en temps réel nos plans de charge et de réduire nos activités, quand nécessaire, sur nos malteries. De plus, cette crise arrive au plus fort de la consommation annuelle. »
Chez Malteries Soufflet, la situation se caractérise, en France, par « la chute du grand export compte tenu de la fermeture de nombreux ports à l’international, la réduction importante de l’activité des artisans brasseurs et la réduction de la demande des grands brasseurs qui, pour certains, ont fermé leurs unités de production ».
Vers la fermeture temporaire de certaines unités
Cette réduction, qui représente plusieurs dizaines de milliers de tonnes, a conduit Malteries Soufflet à ralentir la production de plusieurs usines en mars et avril, et débouchera vraisemblablement sur l’arrêt temporaire de certaines unités à partir de mai. « Ces arrêts seront mis à profit pour procéder aux opérations de maintenance et d’amélioration des outils de production », précise-t-on chez Soufflet. Des arrêts temporaires devraient intervenir également à l’international. Jusqu’ici, seules 2 des 27 malteries du groupe, en Inde et au Royaume-Uni, ont connu des interruptions d’activités.
Chez Boortmalt (Axéréal), premier malteur au monde (2,9 Mt de capacité de production) depuis le rachat de Cargill malt en novembre dernier, et troisième malteur français, « les deux malteries françaises, avant tout positionnées à l’export, ont tourné à peu près normalement jusqu’ici, relate le directeur, Yvan Schaepman. Mais un ralentissement est tout de même prévu en mai. »
Optimisme relatif à moyen terme
Au niveau mondial, Yvan Schaepman se base sur six mois (d’avril à septembre) à − 25 % d’activité sur l’ensemble du périmètre (27 malteries). Mais il se veut confiant pour l’après : « J’ai l’impression que le marché va repartir plus vite que prévu. Même dans un contexte dégradé économiquement, la bière reste un plaisir accessible. Certes, il risque d’y avoir de la casse, notamment en microbrasserie, mais en même temps de nouveaux passionnés vont se lancer. »
Chez Soufflet, on pense que « la demande repartira lentement à la suite des déconfinements progressifs » mais que, à long terme, la consommation de bière ne devrait pas être trop affectée. « Malteries Soufflet garde un niveau de stocks élevé pour assurer la meilleure réactivité dès que les confinements seront progressivement levés dans les différents pays et, notamment, dès que les bars et restaurants pourront rouvrir. »
Renaud FourreauxPour accéder à l'ensembles nos offres :